L'attente est douloureuse

Publié le par Zaza

Consignes d'écriture : Ecrire un texte autour d'un verbe... ici, douter.


Est-il bleu ? Est-il blanc ? Derrière ma fenêtre, je plisse les yeux, concentré, mais rien à faire… je doute. Quelle est donc la couleur de ce ciel de juin ? C’est samedi, je ne suis pas encore sorti. Hésitant, je me dirige vers le placard, suivi de mon doute implacable : prendrai-je le pantalon de lin beige ou le vieux jean usé ? La veste légère ou le si jaune ciré ? Avec courage, j’opte pour la version ciel bleu et sors, tout fringant, ravi d’aller retrouver Marie. Dehors, je regarde à gauche puis à droite, mais je doute du bon chemin, enfin pas du bon, toutes les routes mènent à Rome, mais du plus rapide, car une chose est sûre, je veux vite revoir Marie. Je me fie à mon instinct, fends la foule, traverse les rues hors des zones cloutées, j’arrive au lieu du rendez-vous que j’ai pris soin de noter.

Je me doute que Marie sera en retard, mais suis de toutes façons en avance.

Assis à la terrasse d’un café, je commence à attendre. Ah la terrible attente ! A la 5e minute, je doute de l’heure du rendez-vous. Nous avons dit « 7 heures », j’ai pensé 19. Peut-être était-elle là ce matin, un croissant à la main ? 10 minutes plus tard, je me dis que j’ai peut-être mal interprété son regard. Nous nous sommes rencontré à un repas chez des amis ; elle était très maquillée, certains la trouvaient aguicheuse, moi tout simplement charmante. Elle s’est assise à côté de moi et m’a parlé de son prochain voyage, les Iles Fidji, je crois. Enfin, quelque part, dans le Pacifique. J’ai vu des étincelles dans ses yeux, mais m’étaient-elles destinées ? Ce rendez-vous, ne l’ai-je finalement pas rêvé ? Après un quart d’heure d’attente, me voilà sérieusement ébranlé.

Je doute à présent d’avoir pu d’une quelconque manière lui plaire. Soudain, cela me revient, cette première parole échangée : « Il fait beau aujourd’hui, tu ne trouves pas ? ». Quelle épouvantable banalité ! Et ne lui ai-je pas dit ensuite que j’avais du mal à digérer ? Sans doute, les carottes râpées. J’atteins vraiment le fond du gouffre. Mon doute m’étreint, je suis sur le point de suffoquer.

Profitant d’un court répit, je hèle le serveur pour passer commande : « Que prendrez-vous ? ». Des mots en vrac se mettent à gesticuler devant mes yeux, café, coca, menthe à l’eau, pression, brouilly, cabernet, gin tonic… Je ne sais pas, je ne sais plus, je finis par balbutier : « Une vodka, double dose ». Le temps tourne à ma montre, les passants passent, certains renfrognés rentrent du travail, d’autres ont un vague sourire aux lèvres, j’en suis sûr ils ont un rendez-vous !

Au bout de 25 minutes, je doute du sens qu’a ma vie. Ce travail de chargé de mission, 8h par jour dans un bureau, est-ce vraiment mon destin ? Cette vie certes sympathique, les balades sur la Canebière, les soirées de match, et les restos entre amis sur le vieux port, est-ce que tout cela me suffit ? Je me rends compte incidemment que j’ai beaucoup misé sur Marie. Marie arrivée comme par accident dans une vie de fausses certitudes. Seules quelques heures passées en sa compagnie, et tout fut remis en question. Ou plutôt tout devint clair. Marie à l’eau de roche.


Je regarde une nouvelle fois ma montre. Je doute qu’elle se montrera, je doute d'être à la hauteur, je doute qu’elle restera, je doute qu’elle sourira. Et quand mes yeux finissent par sortir du brouillard où ils étaient plongés, incroyable instant : elle est là !! … Oh mon dieu, s’appelle-t-elle vraiment Marie ?!

 

 

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